martes, octubre 07, 2014

Cambiar de país, y de todo.

“En Madrid, en Berlín, en Persia, en la China, en ambos polos, ¿dónde estaría yo sino en mi mismo, y en el tipo y género de mis sensaciones? La vida es lo que hacemos de ella. Los viajes son los viajeros. Lo que vemos no es lo que vemos, sino lo que somos”. 
Fernando Pessoa, p. 347, El libro del Desasosiego.


Soñé en Bogotá con una ciudad pequeña
caminé insomne y no fue ligero
dije Buenos días en la panadería
colgué mi maletín sobre el pecho
escondí mis anillos de plástico en el bolsillo
Dudé, sin razón, del otro.

Osé imaginar
vivir cerca del mar
esperar las mareas y el plancton
reconocer los colores de las olas
descubrir mis labios salados
después de una caminata a media tarde.

Me pregunté cómo era vivir
sin pólvora ni trancones
ni familias con los pies descalzos
ni calles-basureros
ni cacofonías de gente
con la sonrisa a medias.

Sentí
durante un par de años
un afán incontrolable
de partir.

Cambié de país
y de todo.

Me fui a Lorient
extrañé más a mi familia
quise más a mis amigos
pagué más por comer frutas
me acostumbré al agua opaca
y al cielo gris.

Casi nunca tomé el bus
perdí mi café favorito
visité menos galerías
abandoné mis libros
¿exceso de calma?

Me enamoré del mar
me fui a Venecia.
Me enamoré
de Venecia.

Caminé por París
descendí al metro oscuro
negué monedas a los violinistas
entendí que perdería el silencio
respiré nubes rosadas de polvo
y sin embargo, quise vivir ahí.

Lloré todo
soñé los abrazos de mi abuelo
intenté convencerme
de la idea de gritar.
Caprichosa, como él.

Añoré mi primer hogar
el español en los oídos
sus boleros de fondo
mil hojas verde infinito
montañas más que cielo
recetas saturadas de amarillo.

Tres gerberas en la botella de vino
Maíz de todas formas
visitas no forzosas
te quiero y no je t’aime
abrazar más
necesitar menos.

Entendí las ciudades  como mentiras.
Me llevó años aceptar
Que a la lengua que mejor hablo le pertenezco
y que el exilio voluntario
es más líquido que la sal.


____________
Fr.

" À Madrid, à Berlin, en Perse, en Chine, à chacun des pôles, où serais-je sinon en moi-même, et enfermé dans mon type et mon genre propre de sensations ? La vie est-ce que nous en faisons. Les voyages, ce sont les voyageurs eux-mêmes. Ce que nous voyons n'est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous sommes." 
                                                            Fernando Pessoa, p.347, Le livre de l’intranquillité.

Je rêvais à Bogota d’une petite ville
Je marchais insomniaque et ce n’était pas léger
Je disais Buenos días à la boulangerie
Je portais mon sac sur la poitrine
Je cachais mes bagues en plastique dans la poche
Je doutais, sans raison, de l’autre.

J’ai osé imaginer
Vivre à côté de la mer
Attendre les marées et le plancton
Reconnaître les couleurs des vagues
Découvrir mes lèvres salées
Après une promenade de dimanche.

Je me demandais comment c’était de vivre
Sans embouteillages ni pétards
Ni familles aux pieds nus
Ni rues-déchèteries
Ni cacophonies de gens
avec le sourire à moitié.

J’ai senti
Pendant quelques années
Un désir incontrôlable
De partir.

J’ai changé donc de pays
Et de tout.

Je suis allée à Lorient
Je pensais encore plus à ma famille
J’aimais encore plus mes amis
Je payais plus chère les fruits
Je me suis habituée à l’eau opaque
au ciel gris.

Je ne prenais presque jamais le bus
Je perdais mon café préféré
Je visitais moins de galeries
J’abandonnais mes livres
Excès de calme ?

Je suis tombée amoureuse de la mer
Je suis allée à Vénice.
Je suis tombée amoureuse 
De Vénice.

Je marchais à Paris
Je descendais à l’obscurité du métro
Je refusais des pièces aux violonistes
Je respirais des nuages roses de poussière
Je comprenais que j’allais perdre le silence
Néanmoins, je voulais vivre là.

Je pleurais tout
Je rêvais des bras de mon grand-père
J’essayais de me convaincre
De l’idée de crier.
Capricieuse, comme lui.

J’ai eu la nostalgie de mon premier chez-moi
L’espagnol dans les oreilles
Les boléros au fond
Mille feuilles vertes infinies
Des montagnes plus que du ciel
Les recettes saturées de jaune.

Trois gerberas dans la bouteille de vin
Du maïs en toutes les formes
Des visites spontanées
Te quiero et non pas je t’aime
Prendre plus dans mes bras
Avoir besoin de moins.

J’ai compris que les villes sont des mensonges
J’ai mis des années avant d’accepter
Qu’à la langue que je parle mieux, je lui appartiens
Et que l’exil volontaire
Et plus liquide que le sel.


  

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