miércoles, diciembre 18, 2013

Wale'kerü.


Photo d'atelier, 2013.


“Wale ‘kerü est l’araignée,
la seule qui a appris aux Wayuu.
En faisant des petits chemins
Elle  leur a montrée la manière
de tisser et de créer les dessins »*

De 2008 à 2010, tous les matins à 7h, sur le pont piétonnier que reliait mon appartement avec l’université où j’étudiais, une mère allaitant son bébé, accompagnée par son petit fils et sa petite fille, pieds nus, levaient les yeux et me demandaient une pièce pour se nourrir une fois dans la journée. L’œil, ce  lieu d’échange où l’intranquillité se construit et l’autre se présente comme un étranger, est un témoin muet  des désirs de cette altérité. Vivre en société n’est pas toujours facile,  je touche parfois les besoins, les différences et les envies d’autrui qui constitue avec moi la trame du monde. Dans un pays en conflit, les différentes couches de cette trame se mélangent dans un espace et un temps incorrects, me rappelant jour après jour que tout fait signe chez l’autre. Plus l’autre est proche, plus il y a de la violence.

Les Wayuu sont un peuple amérindien établi en Colombie et Venezuela, dans la péninsule de La Guajira. À cause de déplacements forcés infligés aux populations rurales par les différents groupes armées, il est très fréquent de croiser le regard d’un Wayuu dans les villes de Colombie. Ses familles  représentent un  patrimoine culturel immatériel de l’humanité grâce à leur système normatif de réparation et de compensation appliqué par les Pütchipü’üi (orateurs) ; le dialogue, la prudence et la sagesse font de  cette communauté un remarquable exemple  de l’harmonie sociale que notre pays attend depuis un demi-siècle. Ce système symbolique de réparation est représenté par l’offrande: de colliers faits de pierres précieuses ou le sacrifice de certains animaux font partie de cérémonies. Ses objets conservent leur forme ancestrale et sont réalisés avec les techniques  traditionnelles, de la même manière que la cestería (vannerie), les tejidos duros (tissus durs), les tejidos blandos (tissus mous), la céramique, la taille du bois, les outils de chasse et de pêche et les instruments musicaux.    

Comme pour la plupart des peuples indigènes et primitifs, ses objets sont chargés d’une notion mythique; toute création est sacrée parce qu’elle rappelle la création du monde. Cette idée préexiste dans la matière et le rôle du sculpteur n'est pas de créer mais de révéler, de trouver le bon compromis entre la figure et la matière: ce n’est pas par l’œil qu’il va reconnaître la force et l’importance de l’objet mais par le savoir. Le sculpteur accédant aux forces de la création, l’objet opérant un office, la matière représentant une forme, questionnent les relations au monde du sujet, du milieu dans lequel il vie/survie et  de la communauté à laquelle il appartient. Les différents choix  quant à la texture, la couleur,  le thème, la forme, la matière, la technique, la taille et la fonction sont à l’origine d’une culture matérielle qui est propre à chaque communauté.

C’est cette notion du sculpteur qui m’aide à comprendre les relations que j’entretiens avec mes pièces et mon processus de création. Mes origines, la culture artisanale de mon pays, les notions animistes que nous avons conservées, les coutumes et les savoirs que j’ai appris à travers la société dans laquelle ma conception du monde c’est configurée, me poussent à établir une relation avec l’art qui est très proche du rituel.  En tant que femme créatrice d’images et d’objets, j’interroge celui qui je regarde, l’Autre,  son environnement, ses activités, ses croyances, le milieu géographique et culturel dans lequel il vit. L’art a toujours eu une raison d’exister, même si dans certains groupes ethniques elle était considérée comme une imitation ou reproduction de la réalité et non pas comme une Œuvre dans le sens moderne du terme: l’art est porteuse d’une responsabilité sociale.

Les objets crées en tant qu’Objets-Rituels permettent aux individus d’exprimer et de communiquer ses idées comme le font aussi les Objets décoratifs, les Objets Fétiche, les Objets Utilitaires et les Objets d’art. Ils entretiennent un sentiment esthétique qui est approfondi de différentes manières selon le besoin et jouent un rôle symbolique en fonction du contexte dans lequel ils sont placés. L’Objet Fétiche établie une relation  à l’art formelle, une esthétique infondée en relation à la forme et à la réduction uniquement à la fonction de l’objet. Je trouve une liberté dans le plaisir de créer des objets qui se baladent dans ses catégories, parfois mes pièces sont plutôt des rituels de guérison pour moi ou pour les autres, quelquefois je leur laisse toucher le quotidien et être plus proches de l’utilitaire, ou aller voir les artisanats de mon pays. La matière joue un rôle primordial, je travaille les matériaux qui m’évoquent le corps de l’autre ou le mien,  j’utilise ses objets pour exprimer mes idées en suivant toujours l’idée de responsabilité et fonction de l’art dans la société. Je crée sans ne rien inventer, mais en regardant autour de moi. Quand une sculpture vie, il faut la nourrir, je rajoute donc de la terre, de la cire,  un peu de pigment, je couds au fil noir, au fil rose, j’écris parfois, je coule du latex… je rajoute des détails comme on arrose une plante, en la laissant se reposer, s’exposer à la lumière,  faire ses fleurs, se développer dans son propre temps.

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Esp.

"...Wale 'Kerü es la araña,
la única que enseñó a los wayuu.
Haciendo caminitos les mostró la forma
de tejer y crear los dibujos..."*

De 2008 a 2010, todas las mañanas a las 7:00, sobre el puente peatonal que unía mi apartamento con la universidad donde estudiaba, una madre amamantando su bebé, acompañada de su hijo y de su hija, pies descalzos, levantaban la mirada y me pedían una moneda para alimentarse una vez al día. El ojo, ese lugar de intercambio donde la intranquilidad se construye y El Otro se presenta como un extraño, es un testigo mudo de los deseos de esa alteridad. Vivir en sociedad no siempre es fácil, toco a veces las necesidades, las diferencias y los deseos del prójimo, quien constituye conmigo la trama del mundo. En un país en conflicto las diferentes capas de esa trama se mezclan en el espacio y el tiempo incorrectos, recordándome, día tras día, que todo es un signo en El Otro. Entre más próximo es El Otro, más violencia hay en su encuentro.
Los Wayuu son un pueblo amerindio establecido en Colombia y Venezuela, en la península de La Guajira. A causa de los desplazamientos forzados, infligidos a las poblaciones rurales por los diferentes grupos armados, es muy frecuente cruzar la mirada de un Wayuu en las ciudades de Colombia. Estas familias representan un patrimonio cultural inmaterial de la humanidad gracias a su sistema normativo de reparación y de compensación, aplicado por los Pütchipü’üi (oradores); el dialogo, la prudencia y la sabiduría hacen de esta comunidad un ejemplo remarcable de la armonía  social que nuestro país espera desde hace medio siglo. Su sistema simbólico de reparación es representado por la ofrenda: collares de piedras preciosas o el sacrificio de ciertos animales hacen parte de las ceremonias. Estos objetos conservan su forma ancestral y son elaborados con las técnicas tradicionales, de la misma manera que la cestería, los tejidos duros, los tejidos blandos, la cerámica, la talla de madera, los instrumentos de caza y pesca y los instrumentos musicales.
Como en la mayoría de pueblos indígenas y primitivos, los objetos son cargados de una noción mítica: toda creación es sagrada porque nos recuerda la creación del mundo. Esta idea preexiste en la materia y el rol del escultor no es el de crear pero el de revelar, encontrar el mejor acuerdo entre la figura y la materia: no es con el ojo que reconocerá la fuerza y la importancia del objeto sino con su sabiduría. El escultor accediendo a las fuerzas de la creación, el objeto sirviendo al oficio, la materia representando la forma, cuestionan las relaciones al mundo del sujeto, el medio en el que vive/sobrevive y la comunidad a la cual pertenece. Las diferentes elecciones en cuanto a la textura, el color, el tema, la forma, la materia, la técnica y la función son al origen de una cultura material propia de cada comunidad.
Esta noción del escultor me ayuda a comprender las relaciones que mantengo con mis piezas y con mi proceso de creación. Mis orígenes, la cultura artesanal de mi país, las nociones animistas que hemos conservado, las costumbres y los saberes que he aprendido a través la sociedad en la cual mi concepción del mundo se ha configurado, me impelen a establecer una relación con el arte que es muy cercana al ritual. Como mujer y creadora de imágenes y objetos, interrogo a quien observo, al Otro, su entorno, sus actividades, sus creencias, el medio geográfico y cultural en el que vive. El arte ha tenido siempre una razón para existir, aunque en ciertos grupos étnicos haya sido considerado como una imitación o reproducción de la realidad y no como una Obra en el sentido moderno del término: el arte porta una responsabilidad social.

Los objetos creados como Objetos-rituales permiten a los individuos expresar y comunicar sus ideas, de la misma manera que los Objetos Decorativos, los Objetos Fetiche, los Objetos Utilitarios y los Objetos del Arte. Ellos cultivan una idea de la estética que es profundizada de diferentes maneras según la necesidad del escultor y juegan un papel simbólico en función del contexto en el cual son ubicados. Encuentro una libertad en el placer de crear objetos que merodean esas categorías, a veces mis piezas son rituales de sanación para mí o para los otros, otras veces las dejo tocar el cotidiano y ser más próximas de lo útil o ir a observar las artesanías de mi país. La materia juega un rol primordial, trabajo los materiales que me evocan el cuerpo del Otro o el mío, utilizo esos objetos para expresar mis ideas siguiendo siempre la idea de responsabilidad y función del arte en la sociedad. Creo sin inventar pero mirando a mi alrededor. Cuando una escultura vive es necesario alimentarla, agrego tierra, cera, un poco de pigmento, coso con hilo negro, o con hilo rosado, escribo a veces, vierto látex … agrego detalles como cuando regamos una planta, dejándola descansar, exponerse a la luz, abrir sus flores, desarrollarse en su propio tiempo.  



Artesanías de Colombia S.A., Wale kerü, tomo I, Publicación digital en la página web de la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República. www.banrepcultural.org/blaavirtual/modosycostumbres/wake1/pag28-33.htm

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