Photo d'atelier, 2013. |
“Wale ‘kerü est l’araignée,
la seule qui a appris aux Wayuu.
En faisant des petits chemins
Elle leur a montrée
la manière
de tisser et de créer les dessins »*
De 2008 à 2010,
tous les matins à 7h, sur le pont piétonnier que reliait mon appartement avec
l’université où j’étudiais, une mère allaitant son bébé, accompagnée par son
petit fils et sa petite fille, pieds nus, levaient les yeux et me demandaient
une pièce pour se nourrir une fois dans la journée. L’œil, ce lieu d’échange où l’intranquillité se
construit et l’autre se présente comme un étranger, est un témoin muet des désirs de cette altérité. Vivre en
société n’est pas toujours facile, je
touche parfois les besoins, les différences et les envies d’autrui qui constitue
avec moi la trame du monde. Dans un pays en conflit, les différentes couches de
cette trame se mélangent dans un espace et un temps incorrects, me rappelant
jour après jour que tout fait signe chez l’autre. Plus l’autre est proche, plus
il y a de la violence.
Les Wayuu sont un
peuple amérindien établi en Colombie et Venezuela, dans la péninsule de La
Guajira. À cause de déplacements forcés infligés aux populations rurales par
les différents groupes armées, il est très fréquent de croiser le regard d’un
Wayuu dans les villes de Colombie. Ses familles
représentent un patrimoine
culturel immatériel de l’humanité grâce à leur système normatif de réparation
et de compensation appliqué par les Pütchipü’üi (orateurs) ; le dialogue,
la prudence et la sagesse font de cette
communauté un remarquable exemple de
l’harmonie sociale que notre pays attend depuis un demi-siècle. Ce système
symbolique de réparation est représenté par l’offrande: de colliers faits de pierres
précieuses ou le sacrifice de certains animaux font partie de cérémonies. Ses
objets conservent leur forme ancestrale et sont réalisés avec les techniques traditionnelles, de la même manière que la cestería (vannerie), les tejidos duros (tissus durs), les tejidos blandos (tissus mous), la
céramique, la taille du bois, les outils de chasse et de pêche et les
instruments musicaux.
Comme pour la
plupart des peuples indigènes et primitifs, ses objets sont chargés d’une
notion mythique; toute création est sacrée parce qu’elle rappelle la création
du monde. Cette idée préexiste dans la matière et le rôle du sculpteur n'est
pas de créer mais de révéler, de trouver le bon compromis entre la figure et la
matière: ce n’est pas par l’œil qu’il va reconnaître la force et l’importance
de l’objet mais par le savoir. Le sculpteur accédant aux forces de la création,
l’objet opérant un office, la matière représentant une forme, questionnent les
relations au monde du sujet, du milieu dans lequel il vie/survie et de la communauté à laquelle il appartient.
Les différents choix quant à la texture,
la couleur, le thème, la forme, la matière,
la technique, la taille et la fonction sont à l’origine d’une culture
matérielle qui est propre à chaque communauté.
C’est cette notion
du sculpteur qui m’aide à comprendre les relations que j’entretiens avec mes
pièces et mon processus de création. Mes origines, la culture artisanale de mon
pays, les notions animistes que nous avons conservées, les coutumes et les
savoirs que j’ai appris à travers la société dans laquelle ma conception du
monde c’est configurée, me poussent à établir une relation avec l’art qui est
très proche du rituel. En tant que femme
créatrice d’images et d’objets, j’interroge celui qui je regarde, l’Autre, son environnement, ses activités, ses
croyances, le milieu géographique et culturel dans lequel il vit. L’art a
toujours eu une raison d’exister, même si dans certains groupes ethniques elle
était considérée comme une imitation ou reproduction de la réalité et non pas
comme une Œuvre dans le sens moderne du terme: l’art est porteuse d’une
responsabilité sociale.
Les objets crées en tant qu’Objets-Rituels
permettent aux individus d’exprimer et de communiquer ses idées comme le font
aussi les Objets décoratifs, les Objets Fétiche, les Objets Utilitaires et les
Objets d’art. Ils entretiennent un sentiment esthétique qui est approfondi de
différentes manières selon le besoin et jouent un rôle symbolique en fonction
du contexte dans lequel ils sont placés. L’Objet Fétiche établie une
relation à l’art formelle, une esthétique
infondée en relation à la forme et à la réduction uniquement à la fonction de
l’objet. Je trouve une liberté dans le plaisir de créer des objets qui se
baladent dans ses catégories, parfois mes pièces sont plutôt des rituels de
guérison pour moi ou pour les autres, quelquefois je leur laisse toucher le
quotidien et être plus proches de l’utilitaire, ou aller voir les artisanats de
mon pays. La matière joue un rôle primordial, je travaille les matériaux qui
m’évoquent le corps de l’autre ou le mien, j’utilise ses objets pour exprimer mes idées
en suivant toujours l’idée de responsabilité et fonction de l’art dans la
société. Je crée sans ne rien inventer, mais en regardant autour de moi. Quand
une sculpture vie, il faut la nourrir, je rajoute donc de la terre, de la
cire, un peu de pigment, je couds au fil
noir, au fil rose, j’écris parfois, je coule du latex… je rajoute des détails
comme on arrose une plante, en la laissant se reposer, s’exposer à la
lumière, faire ses fleurs, se développer
dans son propre temps.
____________
Esp.
"...Wale 'Kerü es la araña,
la única que enseñó a los wayuu.
Haciendo caminitos les mostró la forma
de tejer y crear los dibujos..."*
De 2008 a 2010, todas las mañanas a las 7:00, sobre el
puente peatonal que unía mi apartamento con la universidad donde estudiaba, una
madre amamantando su bebé, acompañada de su hijo y de su hija, pies descalzos,
levantaban la mirada y me pedían una moneda para alimentarse una vez al día. El
ojo, ese lugar de intercambio donde la intranquilidad se construye y El Otro se
presenta como un extraño, es un testigo mudo de los deseos de esa alteridad.
Vivir en sociedad no siempre es fácil, toco a veces las necesidades, las
diferencias y los deseos del prójimo, quien constituye conmigo la trama del
mundo. En un país en conflicto las diferentes capas de esa trama se mezclan en el
espacio y el tiempo incorrectos, recordándome, día tras día, que todo es un
signo en El Otro. Entre más próximo es El Otro, más violencia hay en su
encuentro.
Los Wayuu son un pueblo amerindio establecido en Colombia y
Venezuela, en la península de La Guajira. A causa de los desplazamientos
forzados, infligidos a las poblaciones rurales por los diferentes grupos
armados, es muy frecuente cruzar la mirada de un Wayuu en las ciudades de
Colombia. Estas familias representan un patrimonio cultural inmaterial de la
humanidad gracias a su sistema normativo de reparación y de compensación,
aplicado por los Pütchipü’üi (oradores); el dialogo, la prudencia y la sabiduría
hacen de esta comunidad un ejemplo remarcable de la armonía social que nuestro país espera desde hace
medio siglo. Su sistema simbólico de reparación es representado por la ofrenda:
collares de piedras preciosas o el sacrificio de ciertos animales hacen parte
de las ceremonias. Estos objetos conservan su forma ancestral y son elaborados
con las técnicas tradicionales, de la misma manera que la cestería, los tejidos
duros, los tejidos blandos, la cerámica, la talla de madera, los instrumentos de
caza y pesca y los instrumentos musicales.
Como en la mayoría de pueblos indígenas y primitivos, los
objetos son cargados de una noción mítica: toda creación es sagrada porque nos
recuerda la creación del mundo. Esta idea preexiste en la materia y el rol del
escultor no es el de crear pero el de revelar, encontrar el mejor acuerdo entre
la figura y la materia: no es con el ojo que reconocerá la fuerza y la
importancia del objeto sino con su sabiduría. El escultor accediendo a las
fuerzas de la creación, el objeto sirviendo al oficio, la materia representando
la forma, cuestionan las relaciones al mundo del sujeto, el medio en el que
vive/sobrevive y la comunidad a la cual pertenece. Las diferentes elecciones en
cuanto a la textura, el color, el tema, la forma, la materia, la técnica y la
función son al origen de una cultura material propia de cada comunidad.
Esta noción del escultor me ayuda a comprender las
relaciones que mantengo con mis piezas y con mi proceso de creación. Mis orígenes,
la cultura artesanal de mi país, las nociones animistas que hemos conservado,
las costumbres y los saberes que he aprendido a través la sociedad en la cual
mi concepción del mundo se ha configurado, me impelen a establecer una relación
con el arte que es muy cercana al ritual. Como mujer y creadora de imágenes y
objetos, interrogo a quien observo, al Otro, su entorno, sus actividades, sus
creencias, el medio geográfico y cultural en el que vive. El arte ha tenido
siempre una razón para existir, aunque en ciertos grupos étnicos haya sido
considerado como una imitación o reproducción de la realidad y no como una Obra
en el sentido moderno del término: el arte porta una responsabilidad social.
Los objetos creados como Objetos-rituales permiten a los
individuos expresar y comunicar sus ideas, de la misma manera que los Objetos
Decorativos, los Objetos Fetiche, los Objetos Utilitarios y los Objetos del
Arte. Ellos cultivan una idea de la estética que es profundizada de diferentes
maneras según la necesidad del escultor y juegan un papel simbólico en función
del contexto en el cual son ubicados. Encuentro una libertad en el placer de
crear objetos que merodean esas categorías, a veces mis piezas son rituales de
sanación para mí o para los otros, otras veces las dejo tocar el cotidiano y
ser más próximas de lo útil o ir a observar las artesanías de mi país. La
materia juega un rol primordial, trabajo los materiales que me evocan el cuerpo
del Otro o el mío, utilizo esos objetos para expresar mis ideas siguiendo
siempre la idea de responsabilidad y función del arte en la sociedad. Creo sin
inventar pero mirando a mi alrededor. Cuando una escultura vive es necesario
alimentarla, agrego tierra, cera, un poco de pigmento, coso con hilo negro, o
con hilo rosado, escribo a veces, vierto látex … agrego detalles como cuando
regamos una planta, dejándola descansar, exponerse a la luz, abrir sus flores,
desarrollarse en su propio tiempo.
* Artesanías de Colombia S.A., Wale kerü, tomo I, Publicación digital en la página web de la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República. www.banrepcultural.org/blaavirtual/modosycostumbres/wake1/pag28-33.htm
Me encanta, me encanta, me encanta!!!
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